Depuis plusieurs semaines, la CPME travaille à une analyse en profondeur de la perception et du rôle du paritarisme dans une démocratie moderne. Tout en entendant les critiques qui lui sont adressées, la CPME veut contribuer à repenser son rôle et à en esquisser les contours futurs.
C’est en ce sens qu’à l’initiative de son président, François Asselin, elle a partagé, depuis plusieurs semaines, son diagnostic avec les responsables des centrales patronales et syndicales, et plusieurs interlocuteurs gouvernementaux. C’est cette initiative qui a en grande partie conduit à la rencontre du 17 juillet dernier, autour du président de la République.
Aujourd’hui, la CPME rend public un constat sans concession et des propositions audacieuses pour bouleverser les règles de fonctionnement du paritarisme de gestion interprofessionnel et redéfinir un nouveau contrat social. Son objectif n’est pas de «défendre» le paritarisme sous sa forme actuelle mais de lui redonner du sens.
Dos au mur et affaibli par l’interventionnisme de l’Etat, le paritarisme de gestion doit faire son introspection.
- Le paritarisme subit, depuis de nombreuses années, des critiques nourries d’un grand nombre d’acteurs, percevant le système comme incapable de mener une gestion efficace. Si la gouvernance et les partenaires sociaux ne sont pas exempts de défauts et que la CPME prend acte de ces critiques, l’emprise de l’Etat sur le paritarisme doit être soulignée et explique en grande partie les orientations récentes.
- Cependant, nombre de ces dérives ne proviennent pas du paritarisme en lui-même mais plutôt de la mainmise de l’Etat, si bien qu’il serait plus juste de parler aujourd’hui de tripartisme. Cela fait plusieurs années que la CPME observe l’Etat passer du statut de spectateur à celui d’acteur, imposant le « cadrage financier», la montée des cotisations et des contraintes toujours plus importantes pour les entreprises. Il n’hésite pas à prendre des décisions impactant négativement les régimes sociaux, contre l’avis des partenaires sociaux. Le paritarisme s’en trouve alors affaibli, subissant cette dérive et cette absence de séparation des pouvoirs.
Mais les organisations syndicales et patronales doivent aussi faire le bilan de leurs actions. Ainsi, il est essentiel de repenser le rôle que doivent jouer les partenaires sociaux au sein de chaque instance et d’évaluer leur valeur ajoutée. En effet, nombre de négociations sont si complexes que le rôle effectif des acteurs sociaux est mince. Une redéfinition du paritarisme est ainsi l’occasion d’en simplifier et d’en clarifier le fonctionnement.
Si rien n’évolue, les pouvoirs publics n’hésiteront pas à nationaliser les organismes paritaires. Les résultats ne se feront alors pas attendre: les cotisations seront prélevées par l’URSSAF, la frontière entre protection sociale et solidarité nationale s’effacera et les cotisations s’envoleront.
Plus globalement, c’est le modèle-même du paritarisme qui risque d’être remis en question. Or, il a permis de grandes avancées dans l’histoire de notre pays, au service de l’intérêt général, des salariés comme des patrons. En tant qu’acteurs de terrain, les partenaires sociaux connaissent parfaitement le monde de l’entreprise et sont les mieux placés pour trouver des solutions collectives, équilibrées, en phase avec les besoins des Français. C’est une force majeure face à un Etat omniprésent qui tente régulièrement de reprendre la main sur le dialogue social.
En réponse, la CPME propose une refondation du paritarisme autour des principes de transparence, de responsabilité et d’indépendance.
Le moment est donc venu pour la CPME de prendre ses responsabilités en proposant à l’Etat et aux partenaires sociaux une évolution des régimes paritaires. La CPME peut, et doit, être force de proposition autour de trois principes essentiels déclinés en 17 propositions. Tout d’abord, un principe de transparence pour lever le doute sur l’opacité supposée.
Ensuite, le principe de responsabilité doit être au coeur de nos préoccupations pour assurer une gestion saine et exigeante des régimes sociaux. Enfin, le paritarisme ne pourra se renouveler qu’avec l’assurance d’une indépendance accrue envers l’Etat. Ces propositions embrassent un champ très large : des relations avec l’Etat en passant par la gouvernance, de la gestion financière au fonctionnement du paritarisme interprofessionnel.
La CPME souhaite que ce nouveau contrat social soit rapidement mis en oeuvre. Les négociations sur la réforme de l’assurance-chômage, qui auraient pu devenir le laboratoire d’un paritarisme renouvelé, en démontrent l’urgence. Si la CPME participera bel et bien aux négociations, car elle n’a pas pour habitude de pratiquer la politique de la chaise vide, elle craint que les partenaires sociaux, contraints de « négocier » dans le périmètre très restrictif de la lettre de cadrage du gouvernement, fassent à nouveau office de faire-valoir de décisions prises par l’Etat.
17 propositions de la CPME pour une refondation du paritarisme
Relations avec l’Etat
- Revoir la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social , dite « Loi Larcher », en y inscrivant les règles d’un nouveau contrat social entre l’Etat et les partenaires sociaux.
- Présence systématique d’un commissaire du gouvernement , dont les missions sont clairement identifiées, au sein du conseil d’administration.
- Présentation d’un rapport annuel d’activité au Parlement.
- Consultation obligatoire de l’Etat sur la feuille de route négociée par les partenaires sociaux fixant les orientations de la mandature, mesurables annuellement au travers d’indicateurs chiffrés.
- Compensation financière par l’Etat des mesures décidées unilatéralement et susceptibles d’avoir un impact financier sur la gestion du régime.
Gestion financière
- Instauration de la règle d’or dans les organismes sociaux: impossibilité de présenter un budget prévisionnel déficitaire.
- Généralisation de l’interdiction du recours à l’emprunt.
- En cas de déficit cumulé, à l’instar de l’UNEDIC, mise en place d’une structure étatique de défaisance. La moitié du déficit cumulé y est placée, l’autre moitié reste à la charge du régime concerné. Et devra être épongée sur 10 ans maximum.
- Suppression de la garantie financière de l’Etat pour garantir plus de liberté contre moins de sécurité.
- Affectation des excédents pour partie au financement de la dette cumulée, pour partie à l’amélioration des prestations et pour partie à la diminution des cotisations , selon des critères paramétriques, dans des proportions à définir en fonction de la situation financière de l’organisme concerné.
- Traitement des déficits d’une part par des économies sur les prestations ou les frais de gestion et, d’autre part, par un ajustement des cotisations , selon des critères paramétriques dans des proportions à définir en fonction de la situation de l’organisme concerné.
Gouvernance
- Choix du directeur par le conseil d’administration après avis consultatif du ministère de tutelle.
- Obligation pour les administrateurs d’avoir suivi une formation préalable à leur désignation, sauf à justifier de compétences particulières.
- Renforcement des incompatibilités.
- Suspension automatique de la désignation après trois absences consécutives injustifiées.
Fonctionnement du paritarisme interprofessionnel
- Indépendance des ressources des organisations gestionnaires par rapport aux organismes gérés.
- Les fonds dévolus au fonctionnement du paritarisme , arrêtés par l’Etat en concertation avec les partenaires sociaux en début de mandature, sont intégralement gérés par l’AGFPN sous le contrôle du Parlement auquel un rapport annuel est présenté.